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Yann Moix et la cape d’invisibilité

Je ne peux pas dire que j’ai été surprise des propos déplorables de Yann Moix dans le dernier numéro de Marie Claire. Pour rappel, il y énonce « ne sortir qu’avec des Asiatiques », et à la question « Ca veut dire que vous pourriez aimer avec une femme de 50 ans ? », il répond outré « Ah non, il ne faut pas exagérer, ça ce n’est pas possible. (…) Je trouve ça trop vieux. (…) Ca ne me concerne pas, ça ne me viendrait pas à l’idée. Elles sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes, c’est tout ».

Rien malheureusement de nouveau ici. Dans la dernière saison de l’Amour est dans le Pré (on a les références qu’on peut), l’un des agriculteurs lançait déjà à une Karine Lemarchand médusée « ah bon à 50 ans, ça (le corps ou plus exactement la sexualité des femmes) marche encore? ».

Le dernier opus de Sorcières de Mona Chollet fait également état de la répulsion visiblement exercée par la femme qui prend de l’âge. Gaspard Proust en fait des sketches (notre date de péremption est apparemment de 40 ans).

Dans le cinéma, combien de femmes aimantes de plus de 40 ans, désirées, désirantes ? Au milieu de tous les Sean Connery et Harrisson Ford, Clint Eastwood et autres Tom Cruise séduisant allégrement des femmes qui pourraient être leurs filles.

Donc oui, Yann Moix, comme beaucoup d’hommes n’envisage pas de sortir avec une femme plus âgée, voire de son âge. Pour tout vous dire, messieurs, nous aussi on préfère le corps d’un homme de 30 ans. Mais il semble qu’on arrive à envisager la personne en entier et à ne pas la réduire à un corps.

En réalité, ce que j’ai pensé après la lecture de cet article nauséabond, ce n’est pas seulement que Yann Moix tenait des propos sans intérêt, mais surtout pourquoi ce magazine féminin, auquel je suis abonnée, me fait il subir ce genre d’interview ?

Est-ce qu’il n’y a pas des hommes plus intéressants que YM ? Des propos plus évolués à retranscrire ?

Est-ce qu’en 2019, après la vague Me too, on n’a pas aussi un peu une part de responsabilité de montrer encore et toujours ces hommes, de leur donner la parole ?

Et là, j’ai lu l’Edito édifiant de Marianne Mairesse, directrice de la rédaction. Déjà, ça commence mal, c’est une femme. J’attendais plus d’elle.

Pourquoi donc va-t-elle interviewer YM ? Et pourquoi une fois qu’il a tenu ces propos débiles publie -t -elle son interview ? Quel est son message ?

Elle nous apprend que quand YM a répondu qu’il ne pourrait pas aimer une femme de 50 ans, elle a éclaté de rire. Bon déjà, on ne doit pas avoir le même humour.

Elle poursuit sa recherche de réponses au travers de l’interview et écrit « Il a raison, c’est un fait. Mon corps devient moche parce que je vieillis et que j’aime trop les glaces Berthillon. (…) Je ne sais pas quoi faire de cette invisibilité alors je ne fais rien. (…) Avec une femme de 50 ans, ils se rapprochent de la mort. »

A ce stade j’hésite entre une profonde pitié et une saine colère.

Oui les corps vieillissent. Tous les corps, ceux des hommes comme des femmes. Ils sont plus ridés et moins vifs à 60 qu’à 20 ans. En sont-ils moins aimables ? Ne se chargent-ils pas des rides de tous vos sourires ? Des cicatrices qui ont marqué votre vie ?

Les hommes de 50 ans ne se rapprochent pas de la mort avec une femme de 50 ans, ils s’en rapprochent tout court. On s’en rapproche tous, chaque jour qui passe.

Vous ne savez pas quoi faire de votre invisibilité ? A 45 ans ? Qu’allez vous faire les 40 prochaines années ? Vivre comme un fantôme ?

Que des hommes tiennent ce message, c’est déjà un fardeau mais que des femmes le relaient, c’est la double peine.

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